Sursis à statuer : exception de procédure ?
Il y a plusieurs années que les praticiens s’interrogent quant à la nature du sursis à statuer. Depuis 2005 pour être exact.
La question présentait un intérêt pratique évident dès lors que si le sursis à statuaire statuer est une exception de procédure, le magistrat de la mise en état avait une compétence exclusive pour l’examiner.
Il y avait deux thèses en présence, lesquelles étaient tout autant convaincantes.
Au sein d’une même Cour – et c’était le cas à Rennes – les avis divergeaient. Selon la chambre, il fallait saisir le conseiller de la mise en état de la demande.
Thèse number one
C’est celle qui m’avait convaincue, dans un premier temps.
Le sursis à statuer est traité au titre XI concernant les incidents d’instance (CPC, art. 378).
Or, les exceptions de procédure sont quant à elle abordées au titre V sur les moyens de défense.
De plus, le sursis à statuer n’étant pas un incident mettant fin à l’instance, son examen échappait à la compétence du magistrat de la mise en état compte tenu de la rédaction de l’article 771 du CPC.
Thèse number two
C’est celle à laquelle j’adhérais.
L’article 73 du Code de procédure civile définit l’exception de procédure comme « tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours« .
L’article 378 du Code de procédure civile précise quant à lui que « la décision de sursis à statuer suspend le cours de l’instance (…)« .
Par combinaison de ces deux articles, si le sursis à statuer suspend le cours de l’instance, il répond à la définition donnée de l’exception de procédure à l’article 73 du CPC.
en ce qu’il suspend l’instance, le sursis à statuer répond à la définition de l’exception de procédure posée à l’article 73
Un premier élément de réponse avait été donné par le Service de Documentation de la Cour de cassation.
Le Service de Documentation de la Cour de cassation avait considéré que « Si les demandes de sursis à statuer font partie d’un titre du code consacré aux incidents d’instance, la jurisprudence les soumet néanmoins au régime des exceptions de procédure, de sorte que, sous réserve de l’appréciation de la Cour de cassation si elle est saisie d’un pourvoi sur cette question, ces demandes paraissent relever de la compétence du juge de la mise en état« .
Mais nous attendions de connaître la position de la Cour de cassation, saisie selon la procédure d’avis, ou dans le cadre d’un arrêt.
La jurisprudence de la Cour de cassation
A ma connaissance, la Cour de cassation n’avait pas encore été saisie de cette question jusqu’à l’arrêt de 2012, qui m’avait complètement échappé (honte sur moi, et d’autant que c’est un arrêt publié…), et plus précisément du 27 septembre 2012 (Cass. 2ème 27 septembre 2012, n° 11-16.361, Bulletin 2012, II, n° 156) :
il résulte de la combinaison des articles 73 et 74 du code de procédure civile que l’exception de procédure (…) tendant à faire suspendre le cours de l’instance, doit, à peine d’irrecevabilité, être soulevée avant toute défense au fond et exactement retenu que ces dispositions sont applicables quelle que soit la partie qui soulève l’exception de sursis à statuer
Donc, la demande de sursis à statuer doit, sous peine d’irrecevabilité, être soumise avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, au magistrat de la mise en état.
En appel, cela pourra poser quelques difficultés au regard des délais pour conclure.
Pour qui conclut le dernier jour du délai de trois mois, il faudra bien veiller à régulariser les conclusions d’incident avant les conclusions au fond. Une chance, le RPVA précise l’heure, ce qui permet de démontrer l’antériorité.
Le postulant devra être particulièrement vigilant, sauf à engager sa responsabilité, s’il régularise des conclusions au fond demandant le sursis à statuer, sans prendre soin d’intégrer cette demande dans des conclusions d’incident régularisées avant les écritures au fond.