Quelle sanction pour l’avocat absent à l’appel des causes ?

21 septembre 2023
Anecdotes et vie du cabinet

 

A l’époque – aujourd’hui révolue – des avoués à la cour, cet officier ministériel, en ce qu’il assurait la postulation, avait pour habitude, principe, voire obligation, d’être présent à l’appel des causes, pour « passer le relais » – en d’autres termes remettre la chemise de l’étude, qui contenait éventuellement les pièces de procédure du dossier pour celui qui n’assumait pas de remettre une chemise vide à son correspondant, et de crainte que celui-ci ne fasse un parallèle rapide entre le contenu de ce document et la nature de l’intervention de son avoué durant l’instance d’appel… –  à l’avocat venu plaider, ou pour déposer le dossier que ce dernier lui avait remis.
Le magistrat avait donc nécessairement un représentant présent, et connu, lequel pouvait alors répondre au moindre problème d’ordre procédural, qui, s’il n’était pas courant, existait tout de même.
Avec la disparition des avoués, et la possibilité pour un avocat éloigné géographiquement de la cour d’appel d’assurer une mission de postulation – et l’on voit ainsi, par exemple, des avocats nazaréens postuler devant la Cour d’appel de Rennes pour des confrères du barreau de Bordeaux -, il n’est pas rare que l’appel des causes se déroule en l’absence du postulant.
Le Code de procédure civile a-t-il prévu ce cas de figure ?

Si l’on peut comprendre que l’avocat postulant n’ait pas envie de faire un long déplacement pour se présenter devant la juridiction juste pour faire retenir le dossier, la réaction d’agacement des magistrats qui n’ont pas d’interlocuteurs physiquement présents à l’audience est tout autant compréhensible.

En effet, et c’est encore plus vrai depuis que la mise en état, en passant dans le virtuel, a perdu de son efficacité, il est fréquent que les problèmes , notamment de procédure, soient abordés lors de l’appel des causes.

Mais quid lorsque les intéressés sont absents, et se sont contentés d’adresser leur dossier à la cour d’appel dans les conditions de l’article 912 du CPC… article sur lequel il y aurait à dire, et qui mériterait un petit commentaire… ce sera fait plus tard…

La réponse est peut-être dans un vieux texte, qui, pour n’avoir pas l’âge canonique de l’ordonnance de Villers-Cotterêts – pour info, 1539 – a tout de même un peu plus de deux siècles.

C’est l’article 8 du décret du 2 juillet 1812 sur la plaidoirie dans les cours impériales [cours d’appel] et dans les tribunaux de grande instance, qui prévoit que « lorsque l’avocat chargé de l’affaire et saisi des pièces ne se sera pas trouvé à l’appel de la cause, et que, par sa faute, elle aura été retirée du rôle et n’aura pu être plaidée au jour indiqué, il pourra être condamné personnellement aux frais de la remise et aux dommages et intérêts du retard envers la partie, s’il y a lieu« .

« lorsque l’avocat chargé de l’affaire et saisi des pièces ne se sera pas trouvé à l’appel de la cause, et que, par sa faute, elle aura été retirée du rôle »

Ainsi, en l’absence de l’avocat à l’appel des causes, le magistrat de la mise en état pourrait purement et simplement radier l’affaire.

D’ailleurs, c’est probablement en raison de cette possible radiation de l’affaire qu’à l’appel du dossier par le président d’audience, avant l’ouverture des débats, les avoués répondaient, en guise de « présent ! » – qui aurait été un peu écolier voire militaire -, le fameux « à retenir !« . L’absent ne pouvait faire retenir une affaire qui, du coup, était radiée !

Ce moyen consistant à radier l’affaire serait assez contraignant pour inciter les avocats à être présents à l’appel des causes, ou à s’y faire substituer en cas d’impossibilité.

Et je crois même l’avoir déjà vu, le président n’ayant pas apprécié l’absence de réponse à l’appel du dossier.

Plus récemment, nous avons pu voir un magistrat appeler en vain les avocats d’un dossier, avocats avec lesquels ce magistrat aurait voulu aborder un problème mineur… d’irrecevabilité de l’appel… ou encore ce magistrat de la mise en état qui souhaitait des explications des parties sur la recevabilité relevée d’office s’agissant de l’absence d’ouverture de la voie de l’appel, explications qu’il n’aura probablement jamais…

Tout fout le camp, même les règles élémentaires qui relèveraient au demeurant davantage de la politesse et du respect dû à la fonction.

M’enfin, comme dirait l’autre…