Problème de la recevabilité d’une demande dirigée contre la mauvaise personne morale ?

21 septembre 2023
Jurisprudence

En l’espèce, une instance avait été introduite à l’encontre d’une société « X… FRANCE », laquelle n’avait pas comparu. Cette société, condamnée par le tribunal, a fait appel.

Il est apparu qu’il existait deux sociétés, dont les noms étaient proches, mais immatriculées distinctement au RCS.

Or, la société qui avait fourni le carrelage litigieux n’était pas la société « X… FRANCE » mais la société « X… ».

Le bon sens suffit à s’apercevoir qu’il y a manifestement un problème.

Reste à le qualifier dans un langage procédural, ce qui n’est pas toujours le plus simple…

 

Il est rappelé que l’article 32 du Code de procédure civile dispose que « est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir« . L »article 122 du Code de procédure civile précise par ailleurs que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité« .

En conséquence, est irrecevable toute demande formée contre une personne autre que celle à l’encontre de laquelle les prétentions peuvent effectivement être formées (voir par exemple Civ. 1re 5 déc. 1995, Bull. civ. I, n° 442, p. 309 – Civ 3e 28 janv. 1987, JCP 1987.IV.111 – Civ. 3e, 9 oct. 1989, JCP 1990.II.21491 – Civ. 1re, 22 mai 1962, Bull. civ. I, n° 259, p. 231 – Civ. 1re, 6 nov. 1990, JCP 1992.II.21905, note G. Bolard).

est irrecevable toute demande formée contre une personne autre que celle à l’encontre de laquelle les prétentions peuvent effectivement être formées

La société X… FRANCE attraite à l’instance n’était pas concernée par la procédure, n’ayant pas fourni le carrelage litigieux, et n’avait donc pas qualité à subir les prétentions émises par le demandeur.

C’est pourtant bien la SARL X… FRANCE qui avait été assignée en première instance, ce qui ne faisait aucun doute dès lors que l’adversaire – à tort – avait pris soin de bien préciser sur les actes de procédure le numéro RCS de la société, ainsi que l’adresse de son siège social. Il n’existait donc aucun doute quant à la personne morale à l’encontre de laquelle étaient émises les prétentions.

Si le demandeur n’avait pas été aussi précis dans son acte d’assignation, notamment quant au numéro de RCS, il aurait éventuellement pu réussir à trouver une argumentation plus sérieux à opposer à ce moyen de procédure.

Il peut être dangereux d’être trop précis, en portant des mentions non exigées par les textes. De manière générale il est déconseillé d’aller au-delà des textes, et notamment de préciser un numéro de RCS, mention non exigée par aucune texte du Code de procédure.

L’appelant pouvait donc pertinemment relever que si le nom des deux sociétés était proche, le RCS est bien évidemment différent, ainsi que le siège social. Il ne
pouvait donc y avoir de doute quant au fait qu’il s’agissait de deux entités juridiques distinctes, n’ayant aucun lien entre elles.

 

La question pouvait se poser de savoir si cette fin de non-recevoir ne devait pas être soulevée en première instance, et que l’appelant ne pouvait désormais plus l’opposer au demandeur.

Cependant, cette fin de non-recevoir peut être proposée en tout état de cause, et pour la première fois en appel, comme l’a déjà précisé la jurisprudence (Civ. 3e 16 juin 1982, Gaz. Pal. 1982.2.329). De plus, la société appelante était non comparante en première instance, et elle n’avait pas pu faire valoir ses moyens de défense.

cette fin de non-recevoir peut être proposée en tout état de cause, et pour la première fois en appel

 

C’est sur cette démonstration que la Cour d’appel de Rennes a réformé le jugement dont appel et a déclaré irrecevables les prétentions formées contre une société dépourvue de qualité, par un arrêt du 20 mars 2014 (CA Rennes 4e 20 mars 2014, n° 13-02428, réf. cabinet 100473) :

Il s’ensuit que les prétentions formées à l’encontre de la société X… France sont irrecevables pour être dirigées à l’encontre d’une société dépourvue de qualité, cette fin de non-recevoir pouvant être soulevée pour la première fois en cause d’appel.