Péremption : l’encombrement n’est pas une excuse

21 mars 2016
Jurisprudence

péremption

La péremption !

Beau sujet et dont l’inflation jurisprudentielle est très récente.

En l’espèce, la question était notamment celle de savoir si l’encombrement de la chambre pouvait être valablement invoqué par la partie appelante, en défense sur un incident de péremption.

La Cour d’appel de Rennes n’a pas entendu faire de la résistance à la jurisprudence qui est celle de la Cour de cassation.

En l’espèce, un appelant avait écrit au magistrat de la mise en état, pour dire qu’il ne conclurait plus, et que l’affaire pouvait être fixée.

Et effectivement, l’appelant n’a pas conclu depuis, ni aucune autre partie du reste.

Mais c’est bien là le problème : personne n’a fait qui que ce soit !

Ainsi, deux ans ont passé, et le défendeur, qui surveillait évidemment ce délai de péremption, s’est quant à lui bien gardé de faire la moindre diligence qui lui aurait fait perdre cet incident mettant fin à l’instance.

Quelques jours après l’expiration du délai de deux ans, l’intimé a saisi le conseiller de la mise en état de ce moyen de péremption accueilli favorablement.

Sans réelle surprise, la Cour d’appel de Rennes confirme cette ordonnance (Rennes, 17 mars 2016, n° 16/757, réf. cabinet 100451) :

 

« Les dispositions de l’article 912 du même code, qui prévoit qu’à l’issue de l’expiration des délais, le conseiller de la mise en état fixe la date de clôture ou un calendrier pour les nouveaux échanges de conclusions, n’ont pas pour effet de dispenser les parties de leur obligation de faire toutes diligences propres à manifester leur volonté de voir aboutir l’instance. Les dispositions de l’article 912 du même code, qui prévoit qu’à l’issue de l’expiration des délais, le conseiller de la mise en état fixe la date de clôture ou un calendrier pour les nouveaux échanges de conclusions, n’ont pas pour effet de dispenser les parties de leur obligation de faire toutes diligences propres à manifester leur volonté de voir aboutir l’instance ».

 

Imparable.

L’appelant n’est pas perché au seul motif qu’il a indiqué à un moment de la procédure, qu’il ne conclurait plus, et qu’aucune partie n’est venue le démentir, de sorte que le dossier pouvait être fixé.

Une demande de fixation peut constituer une diligence interruption de péremption, cela n’est pas contesté, bien au contraire… même si cette demande ne constitue pas nécessairement et immanquablement une telle diligence…

Mais une telle diligence ne peut qu’interrompre la péremption, sans pour autant emporte interruption de l’instance. C’est ce que l’appelant avait probablement perdu de vue.

L’appelant, et toute autre partie qui y a intérêt, doivent veiller à faire diligence si elles veulent éviter cette péremption, dont on sait qu’en appel, les conséquences sont particulièrement dures.

Et l’appelant ne doit pas compter sur l’intimé, qui a tout intérêt – et il ne s’en cache pas – à pouvoir invoquer cette péremption. D’ailleurs, en l’espèce, l’intimé surveillait étroitement cette péremption, qu’il a soulevé dès le délai de deux ans expiré.

Tout cela n’est pas anormal, même si la solution est raide pour l’appelant.

Si une partie est en mesure d’invoquer une péremption, cela signifie que le dossier est resté plus de deux ans sur une étagère, à prendre la poussière, dans le cabinet du conseil, sans que ni l’avocat ni le client ne se soient manifestés. Si l’avocat et le justiciable se s on désintéressés de ce dossier durant ce laps de temps, il n’est pas anormal de considérer qu’il faut y mettre fin.

Et l’encombrement de la juridiction, certes réelle, est indifférente.

Comment faire reproche à une juridiction son encombrement alors que la partie elle-même ne s’est pas inquiétée du sort de son dossier durant de nombreux mois ? Ne serait-ce pas l’hôpital qui se moquerait de l’infirmerie ? Ca y ressemble, non ?

Au vu de la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation, il ne semble pas que cette jurisprudence sera sur le point de changer. Mais je peux me tromper.

La position de la Cour de cassation en matière de péremption paraît assez encadrée désormais, et les parties savent ce qu’elles doivent faire et ce qu’elles ne doivent pas faire, pour éviter toute difficulté qui aura immanquablement pour conséquence une déclaration de sinistre…

Et bien évidemment, celui qui est accusé de tous les maux n’est pas épargné : le décret Magendie ! Ben oui, les dossiers son instruits sont rapidement, de telle sorte que le dernier acte interruption de péremption a toutes les chances d’être à quelques mois seulement de l’acte d’appel. Un peu facile, la critique, car la péremption, quoi qu’il en soit, sanctionne une inactivité, un désintéressement. Et il importe peu que le dossier soit en état plus rapidement qu’auparavant.

Peut-être en sera-t-il différemment si une réforme, un jour, limite tellement les « nouvelles conclusions » qu’une partie ne pourra quasiment plus conclure sauf cas particulier ? A priori, j’en doute, et ce d’autant que la partie pourra toujours utilement demander la fixation de l’affaire dès l’instance où la procédure est en état.

Nous surveillerons attentivement l’évolution de la jurisprudence, laquelle pourrait être plus abondante, la surveillance en matière de péremption semblant être plus aléatoire depuis peu…