Nullité d’un acte d’exécution
En première instance, à défaut de sanction véritablement efficaces, beaucoup d’irrégularités ne sont pas relevées.
Moi-même, je passe sur beaucoup d’irrégularités qui de toutes façons seront couvertes par la partie adverse. Donc, à quoi bon ? En revanche, la même irrégularité, en appel, peut avoir des conséquences désastreuses pour son auteur.
C’est d’ailleurs probablement en raison de cette baisse de vigilance en première instance qu’il existe autant d’erreurs commises en appel. La mauvaise habitude se prend facilement de ne point trop regarder de plus près la procédure de première instance dont on sait qu’il n’y aura rien à tirer sur le plan procédural.
Cependant, la procédure n’est pas pour autant absente devant les juridictions de première instance.
En témoigne cette décision du juge de l’exécution en date du 12 juin 2014 (JEX TGI Saint-Malo 12 juin 2014, réf. cabinet 100860) ayant annulé le commandement aux fins de saisie-vente et le certificat d’indisponibilité du certificat d’immatriculation d’un véhicule, et tous les actes subséquents, sur le fondement de l’article 648 du Code de procédure civile dispose que « tout acte d’huissier de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs (…) Si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance« .
Tout acte d’huissier de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs (…) Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement.
Ces mentions sont prescrites à peine de nullité.
En effet, « ces mentions sont prescrites à peine de nullité« . Il s’agit, évidemment, d’une irrégularité pour vice de forme, touchant l’acte, et non une irrégularité de fond. Il convenait donc de justifier d’un grief.
La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
Les actes étaient régularisés en portant l’adresse d’un requérant dont il était démontré qu’elle était inexacte.
Il était soutenu que le créancier – dont le titre pouvait être remis en cause dans le cadre d’une procédure de renvoi de cassation devant la Cour d’appel de Paris – organisait pour cette raison son insolvabilité, et mettait la société débitrice dans l’impossibilité d’exécuter l’arrêt valant titre de titre de restitution lorsque la Cour d’appel aurait infirmé le jugement dont appel.
L’huissier avait été informé de cette difficulté, mais il avait cependant continuer de régulariser les actes d’exécution à cette adresse dont il est avéré qu’elle est inexacte.
Le caractère erroné de l’adresse cause un grief indéniable à la société débitrice (voir Versailles, 20 novembre 2003, BICC 2004, n° 1080 ; Montpellier 24 avril 2007, BICC 15 juillet 2008, n° 1277).
Le juge de l’exécution a retenu que le créancier « souhaite dissimuler son adresse exact« , ce qui cause un grief au débiteur « qui ne peut signifier les actes de la procédure à une adresse fiable« .
La dissimulation d’une adresse cause grief au débiteur qui ne peut signifier les actes de procédure à une adresse fiable
La nullité des actes d’huissier est prononcée.
La moralité de cette histoire est qu’il ne faut jamais négliger la procédure, quelle que soit la juridiction saisie. C’est sur un point de procédure que ce dossier a été gagné devant le juge de l’exécution, alors que la société débitrice était mise en sérieuse difficulté par un huissier et un créancier particulièrement retors.
Pour la petite histoire, le créancier est un concurrent direct de la société, et une cessation des paiements allait très exactement dans le sens des intérêts de ce créancier.