Mention du risque de ne pas constituer avocat : vice de forme ?

21 septembre 2023
Jurisprudence

En voilà une décision intéressante.

Et pourtant, sauf erreur, elle ne sera pas publiée.

Peut-être l’aurait-elle méritée, néanmoins.


Une partie fait appel d’une ordonnance de référé qui suit donc le circuit court en appel.

A l’audience, la partie intimée se présente, sans être représenté par un avocat, alors que la représentation est obligatoire.

L’arrêt est rendu, se prononçant sur les demandes de l’appelant, en mentionnant que l’intimé n’est pas réprésenté.

L’arrêt est cassé (Cass. 2e civ., 4 juin 2020, n° 19-10.923) :

« Vu les articles 14 et 905-1 du code de procédure civile :

  1. Selon le second de ces textes, qui est une application du principe posé au premier, lorsque l’affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l’appelant signifie la déclaration d’appel dans les dix jours de la réception de l’avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la
    déclaration d’appel relevée d’office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; à peine de nullité, l’acte de signification indique à l’intimé que, faute pour lui de constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de celle-ci, il s’expose à ce qu’un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire et que, faute de conclure dans le délai mentionné à l’article 905-2, il s’expose à ce que ses écritures soient déclarées irrecevables.
  2. L’arrêt, après avoir constaté que la société n’avait pas constitué avocat, a statué sur les demandes de M. Y.
  3. En se déterminant ainsi, par un arrêt qualifié de réputé contradictoire, qui ne mentionne pas que l’avocat de M. Y avait signifié la déclaration d’appel par un acte informant la société intimée de son obligation de constituer avocat, la cour d’appel, qui n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle sur les conditions de convocation de la société, défaillante, a privé sa décision de base légale. »

Je n’ai pas trouvé l’info, mais il semblerait que l’acte d’appel a bien été signifié. A défaut, c’est la caducité que la Cour de cassation aurait pu constater.

Le problème semble donc être le fait qu’il n’était pas démontré que l’acte de signification de la DA mentionnait que l’intimé devait se faire représenter, et des risques qu’il prenait à défaut.

Nous pouvions penser que ces mentions étaient prescrites à peine de nullité.

Mais ce n’est aps sur ce terrain que se place la Cour de cassation.

Et d’ailleurs, une nullité pour vice de forme ne peut être relevée d’office.

Cette mention relève plus exactement du respect des droits de la défense, du principe de la contradiction.

Cela a plusieurs conséquences.

Tout d’abord, il semblerait donc que dans toutes procédures, l’intimé doit avoir été informé de son obligation de constituer avocat, et des risques à défaut.

Or, si dans le circuit court, il y aura nécessairement une notification de la DA, puisque c’est l’avis de fixation qui déclenche cette obligation procédurale, il n’en va pas de même en circuit ordinaire, ou la notification de la DA suppose un avis 902.

Si l’on tient compte de la position de la Cour de cassation, cela revient à considérer que l’appelant devra informer l’intimé de son obligation de constituer avocat et des risques qu’il prend à défaut, et alors même qu’il n’a pas reçu un avis 902 et quand bien même le texte ne prévoit de porter cette mention lors de la signification des conclusion.

Cela est une bonne chose, et j’avais de longue date considérer que l’appelant devait, en tout état de cause, notifier sa DA avec ces mentions au plus tard lorsqu’il notifie ses conclusions à la partie.

Allant plus loin, cela remet aussi en question la portée d’un arrêt récent de la Cour de cassation du 9 janvier 2020 concernant l’appel incident, lequel est formé par simple signification des conclusions à l’intimé défaillant.

Or, à reprendre la position de la Cour de cassation dans l’arrêt qui nous intéresse ici, cela revient aussi à imposer à l’appelant incident de préciser à l’intimé sur appel incident qu’il doit se faire représenter, et qu’il prend un risque s’il ne le fait pas.

Cette signification des conclusions d’appel incident commence à ressembler étrangement à une assignation, ce que la Cour de cassation avait écarté.

Il y aurait certainement d’autres choses à dire sur cet arrêt qui à mon avis a une réelle portée.

Je vous livre seulement ce qui le vient à l’esprit, à la lecture de cette décision que je vais mettre dans un coin de ma tête… qui d’ailleurs est ronde et n’a pas donc pas de coin… sauf lorsqu’on me la met au carré… mais peu importe…