Le redoutable dispositif récapitulatif
La récente réforme du décret du 9 décembre 2009, appelé par beaucoup décret « Magendie », n’a pas uniquement inséré les nouveaux articles 901 et suivants du CPC. Il a aussi modifié l’article 954 du Code de procédure civile pour insérer une notion nouvelle – calquée sur le jugement – à savoir le dispositif récapitulatif.
Nous connaissions les conclusions récapitulatives, lesquelles ont disparu avec l’entrée en vigueur du décret du 28 décembre 2008 imposant les conclusions dites de synthèse. Eh oui, curieusement, c’est depuis que les conclusions récapitulatives ont disparu qu’elles ont fleuri devant les juridictions d’appel.
Voici donc le dispositif récapitulatif.
Les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif.
Ainsi, depuis peu, les prétentions – mais non les moyens – doivent impérativement être récapitulées dans le dispositif des conclusions. A ce sujet, soulignons que jusqu’à l’entrée en vigueur de ce texte, aucun article du Code de procédure civile n’imposait de prévoir un dispositif dans des conclusions, même si l’usage était – fort heureusement – largement diffusé.
La sanction du non respect de cette disposition est sévère : la prétention est réputée – et non présumée – abandonnée.
A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
L’utilisation du terme réputé au lieu de celui de présumé à son importance, et nous renvoyons à cet égard au récent arrêt de la Cour de cassation en matière de communication électronique, dans lequel la Cour de cassation a pris soin, au rebours des juges bordelais, d’éviter de dire que l’adhésion faisait présumé le consentement exprès…
En d’autres termes, si la prétention ne figure pas, il n’y a pas moyen d’échapper à la sanction. La sanction tombe de manière automatique, sans marge d’appréciation de la part du magistrat.
De manière générale, l’application de cette disposition n’est pas à l’origine d’un véritable contentieux, les conseils prenant soin de tout mettre dans le dispositif, voire un peu trop car on y trouve aussi bien les prétentions que les moyens.
Par un arrêt du 5 juin 2014, la Cour d’appel de Rennes a statué en ce sens (CA Rennes 4e 5 juin 2014, n° 11:05970, réf. cab. 046148)
« Faute par Monsieur et Madame G… d’avoir repris, dans le dispositif de leurs conclusions, la demande de nullité du contrat préliminaire, développées dans le corps de leurs écritures, la cour n’a pas, en application de l’article 954 du code de procédure civile à statuer sur cette prétention ».
Cet arrêt ne mérite pas de commentaires particuliers. Le texte est clair, et son application n’est pas sujet à discussion.
La sanction, radicale, s’impose.
Bref, circulez, y’a rien à voir !
Avec un peu de chance, l’avocat démontrera que cette demande n’avait aucune chance de passer, et qu’il n’y a donc pas de perte de chance du client.
N’empêche qu’il doit être délicat pour l’avocat de dire à son client que la demande qu’il a pris soin de formuler ne valait pas un clou.
Enfin, rappelons que cette disposition n’existe pas en première instance, l’article 753 du Code de procédure civile n’ayant pas été modifié.
A quand une réforme de la procédure de première instance, à l’image de celle d’appel ? A priori, il y a d’autres choses dans les cartons, la réforme de la procédure de première instance ne semblant pas la priorité de la chancellerie.
Edition le 13 août 2014 : voir aussi Civ. 2e, 26 juin 2014, F-P+B, n° 13-20.393, Civ. 3e, 2 juill. 2014, FP-P+B, n° 13-13.738