Le caractère non avenu de l’effet interruptif après la saisine d’une juridiction d’appel incompétente
Nous le savons depuis quelques temps maintenant.
Mais la Cour de cassation a encore une fois l’occasion de nous le rappeler.
Habituellement, les décisions en la matière sont rendues sur le fondement de l’article L 442-6 du Code de commerce. Ce n’est pas le cas ici, puisqu’il s’agit d’un appel en matière prud’homale, lorsque la procédure était alors sans représentation obligatoire mais peu importe.
Une salariée, non satisfaite d’un jugement du Conseil de prud’hommes de Nanterre, décide d’en interjeter appel.
Elle le fait devant la Cour d’appel de… Paris.
Mais c’est Versailles qui est la juridiction d’appel.
Elle se ravise, et fait alors appel devant la Cour d’appel de Versailles, avant que l’appel formé devant la Cour de Paris ait été déclaré irrecevable.
A cet égard, rappelons que la saisine d’une juridiction d’appel incompétente pour connaître de l’appel ne relève pas de l’exception d’incompétence.
Comme la Cour de cassation a pu le préciser, la sanction est l’irrecevabilité, qui est un fin de non-recevoir.
La Cour d’appel de Paris déclare donc, en toute logique, l’appel irrecevable.
Mais la salariée espère bien pouvoir poursuivre sur son second appel, devant la Cour d’appel de Versailles.
Et pour cela, elle invoque l’effet interruptif prévu à l’article 2241 du Code civil.
Sans grande surprise, confirmant sa jurisprudence, la Cour de cassation rappelle que « si, en application de l’article 2241 du code civil, une déclaration d’appel formée devant une cour d’appel incompétente interrompt le délai d’appel, cette interruption est, en application de l’article 2243 du même code, non avenue lorsque l’appel est définitivement rejeté par un moyen de fond ou par une fin de non-recevoir l’appel formé par Mme X devant la cour d’appel de Paris, qui a interrompu le délai d’appel du jugement du conseil de prud’hommes, ayant été jugé irrecevable, son effet interruptif était non avenu
une déclaration d’appel formée devant une cour d’appel incompétente interrompt le délai d’appel, mais cette interruption est non avenue lorsque l’appel est définitivement rejeté par un moyen de fond ou par une fin de non-recevoir
l’appel interrompt le délai d’appel du jugement mais son effet interruptif est non avenu si l’appel est irrecevable
Notons ici que le second appel avait été effectué avant même que le second appel soit déclaré irrecevable.
Cela importe peu, contrairement à ce que j’ai déjà pu lire, ce que d’ailleurs je ne partageais pas.
Tout appel, qu’il soit recevable ou non, régulier ou nul, emporte en tout état de cause un effet interruptif par application de l’article 2241 du Code civil.
Mais cet effet interruptif peut se perdre.
Et ce sera le cas si l’appel est irrecevable.
Cet effet interruptif sera perdu de sorte que le second appel, pour un temps recevable, deviendra alors irrecevable pour tardiveté dès lors que le premier appel sera déclaré irrecevable.
Il faut donc que le premier appel soit déclaré irrecevable pour qu’en suite le second appel subisse le même sort.
Bien entendu, cela suppose que la partie qui a formé le second appel était hors délai pour le faire.
Si le second appel avait été formé dans le délai, ou si la partie peut justifier que le délai n’a pas couru par exemple parce que la notification n’a pas été faite de manière régulière, alors la question de la recevabilité ne se pose pas dans les mêmes termes qu’en l’espèce.
Ce n’est que si le premier appel tombe par nullité, qu’elle soit de forme ou de fond, que le second appel sera sauvé comme profitant de l’effet interruptif de l’article 2241 du Code civil.