Intimation du liquidateur

21 septembre 2023
Jurisprudence

L’acte d’appel est un acte important.

Il mérite que l’on prenne du temps, pour bien lire le jugement, et pour procéder aux vérifications utiles.

En l’espèce, un premier appel avait été régularisé, contre une société en liquidation judiciaire.

Cependant, l’appelant avait intimé la société, mais pas le liquidateur. Grave erreur ! Et c’est l’engrenage infernal…

La société en liquidation ne peut plus agir en justice (Com. 4 oct. 2005, Bull. civ. n° 195). C’est le liquidateur qui représente la société en justice.

C’est donc cet organe de la procédure qui doit être intimé.

Et ce n’est pas un cas d’école. D’ailleurs, aujourd’hui même, j’ai régularisé deux appels en intimant le liquidateur, et non la société… laquelle était pourtant partie à la procédure de première instance.

 

L’appelant pensait pouvoir couvrir cette irrégularité, en régularisant un nouvel acte d’appel intimant cette fois le liquidateur.

Mais cet appel était naturellement hors délai.

J’ouvre une parenthèse…

Cela me fait penser à une consoeur qui m’a appris l’existence de “déclaration d’appel complétive“, qui serait un acte d’appel qui se rattacherait à un précédent acte. Il complèterait le précédent appel incomplet, et la seconde déclaration d’appel – hors délai – serait absorbée par la première… pour sauver le délai…

Bien sûr, et la marmotte…

C’est absolument n’importe quoi, et une aberration procédurale la plus complète !!!

… je n’oublie pas de fermer la parenthèse.

Si cette irrégularité pouvait être couverte, encore faut-il que ce soit dans le délai d’appel, comme la jurisprudence a déjà pu le préciser (Com. 10 déc. 2003, Bull. civ. n° 204 concernant l’intervention du liquidateur après l’expiration du délai d’appel).

Les appels sont donc déclarés irrecevables (Civ. 2e 25 juin 2015, n° 14-19663, non publié) :

“Mais attendu, abstraction faite des énonciations erronées selon lesquelles M. Y… n’aurait pas été partie en première instance en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la société Art resto, que l’arrêt retient exactement que l’appel ne pouvait être régulièrement formé sans que soit intimé, outre la société Art resto, M. Y…, ès qualités, ce qui n’a pas été le cas dans l’acte d’appel du 12 octobre 2012, et constate, par un motif non critiqué, que la déclaration d’appel du 9 avril 2013 dirigée contre M. Y…, ès qualités, est intervenue après l’expiration du délai d’appell’appel était irrecevable

Arrêt non publié, car il est conforme à la jurisprudence en la matière.

 

La morale de l’histoire est que l’établissement d’une déclaration d’appel requiert du temps.

Il faut lire attentivement le jugement, pour plusieurs raisons.

Notamment, certaines parties peuvent avoir été oubliées dans l’entête – il m’est arrivé de constater l’oubli d’une partie, sur la centaine de copropriétaires concernés -, ou alors l’intimation doit être limitée à certaines personnes seulement. Cela permet aussi de s’apercevoir qu’il existe une mesure de redressement ou de liquidation judiciaire à l’égard d’une partie, ou qu’il existe une mesure de curatelle ou de tutelle dont il convient de tenir compte.

Quand ça part mal, c’est souvent difficile de redresser la situation.

C’est cela qui explique que les honoraires de postulation peuvent parfois paraître élevés. Mais il est certain que qui fait appel sans lire le jugement et se contente de l’entête gagne un temps énorme, ce qui permet de réduire le prix de la prestation… mais aussi sa qualité… mais augmente également les risques d’erreurs, ce qui se traduit en responsabilité et en déclaration de sinistres.

C’est comme tout, quand c’est pas cher, c’est qu’il y a un truc…