Pas d’empiètement de la cour sur les compétences du CME
Nous savons que le Conseiller de la mise en état a vu ses compétences renforcées ces dernières années.
Cet arrêt nous le rappelle.
Le 24 septembre 2015, la chambre de la procédure de la Cour de cassation s’est prononcée en ce sens (Civ. 2e, 24 septembre 2015, n° de pourvoi 14-21729, Publié au bulletin) :
Vu l’article 914 du code de procédure civile ;
Attendu que le conseiller de la mise en état est, lorsqu’il est désigné et jusqu’à son dessaisissement, seul compétent pour déclarer l’appel irrecevableà moins que la cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement
Attendu, selon l’arrêt attaqué et les productions, qu’en décembre 2006, M. Robert X…, ès qualités, a assigné devant un tribunal de grande instance M. Jean-Pierre X…, ès qualités, Mme Pauline X…, ès qualités, M. Jean-Paul X… et M. Y…, administrateur désigné aux fins de gérer certains biens dépendant de la succession d’Emile X…, dont le mandat a ensuite été transféré à la SCP Y… C…, afin de voir ordonner la liquidation et le partage de la communauté ayant existé entre Emile X… et Mme Pauline X… puis de la succession d’Emile X…, et de voir notamment ordonner la réduction de libéralités consenties par le défunt ; que Mme Pauline X… a assigné Mme Simone Z… en intervention forcée ; que M. Robert X… a interjeté appel du jugement ayant mis hors de cause Mme Z…, ordonné la liquidation et le partage de la communauté D…- B… et de la succession d’Emile X… et désigné le président de la chambre départementale des notaires avec faculté de délégation afin de procéder aux opérations de partage, le notaire à désigner étant celui connaissant déjà de la liquidation de la communauté ayant existé entre Jean X… et Henriette A…, grands-parents de M. Robert X… ; que M. Jean-Pierre X… et Mme Pauline X…, ès qualités, ont soulevé l’irrecevabilité de l’appel devant le conseiller de la mise en état qui a déclaré l’appel recevable par une décision qui n’a pas été déférée devant la formation collégiale de la cour d’appel ;
Attendu que l’arrêt constate le défaut d’intérêt de M. Robert X… et en conséquence déclare l’appel irrecevable ;
Qu’en statuant ainsi, sans vérifier que le défaut d’intérêt de M. Robert X… à interjeter appel avait été révélé postérieurement au dessaisissement du conseiller de la mise en état, seule circonstance de nature à faire échec à sa compétence exclusive pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel soulevée par les intimés, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE,
le conseiller de la mise en état est, lorsqu’il est désigné et jusqu’à son dessaisissement, seul compétent pour déclarer l’appel irrecevable, à moins que la cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement, de sorte que la fin de non-recevoir de nature à rendre irrecevable l’appel doit avoir été révélée postérieurement au dessaisissement du conseiller de la mise en état pour faire échec à sa compétence exclusive
Le conseiller de la mise en état doit pouvoir purger les problèmes de procédure, de sorte que la formation collégiale n’ait à examiner que le fond de l’affaire, le cas échéant après qu’il ait été statué sur les problèmes de recevabilité, de nullité, de caducité, etc.
La seule exception logique doit être celle où ce problème de procédure n’existait pas lorsque le magistrat de la mise en état a été dessaisi.
Evidemment – encore que cette évidence ne l’est pas nécessairement pour tout – ce n’est pas la clôture de l’instruction qui entraîne ce dessaisissement mais l’ouverture des débats. Par conséquent, rares seront les cas où la formation collégiale aura à apprécier un moyen de procédure.
Cela étant, et c’est mon avis, si la formation collégiale de la cour ne peut à cette occasion trancher la difficulté de procédure, rien ne l’empêche, si elle le souhaite, rouvrir les débats et renvoyer à la mise en état, ce qui a pour effet de saisir à nouveau ce conseiller de la mise en état qui pourra alors se prononcer.
Sur renvoi de cassation, la question se posera. La partie qui avait profité de cet arrêt cassé d’irrecevabilité aura tout intérêt à saisir le conseiller de la mise en état d’un incident d’irrecevabilité de l’appel, étant au besoin rappelé que cette fin de non-recevoir peut être soulevée en tout état de cause (CPC, art. 123).
Edition du 6 octobre 2015 :
Après réflexion, il semble que la Cour de cassation laisse entendre, par cet arrêt, que la cour d’appel, dès dessaisissement du magistrat de la mise en état, a compétence pour statuer sur une irrecevabilité ou une caducité. Mais cela suppose qu’elle vérifie si la cause avait été révélée postérieurement au dessaisissement du conseiller de la mise en état (pour rappel, c’est à l’ouverture des débats).
Donc, soit cette cause est révélée postérieurement, auquel cas la formation collégiale de la cour peut se prononcer sur la caducité de la déclaration d’appel ou l’irrecevabilité.
Soit ce n’est pas le cas – ce qui sera nécessairement le cas, par définition, si les parties ont conclu sur ce point – et… mais oui, que fait-elle alors ? La compétence du magistrat de la mise en état étant exclusive, elle devrait rouvrir les débats et renvoyer à la mise en état pour que le magistrat de la mise en état se saisisse de cette difficulté… avec un possible déféré devant la formation collégiale qui pourra rendre son arrêt d’irrecevabilité ? Il semblerait que c’est ce qui s’impose.