Honoraire et tarif, postulation de première instance et postulation d’appel : quelle rémunération pour quelle postulation ?

21 septembre 1460
Honoraires, frais

Avec la suppression de l’office d’avoué à la cour, se pose la question de la rémunération de la postulation en appel. C’est l’occasion aussi de revenir sur la rémunération de la postulation en première instance.

Article de 2012, mis à jour avec l’adoption de la Loi Macron du 6 août 2015, et qui du coup fait une petite remontée dans le blog…

La rémunération de la postulation en première instance

La loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, a supprimé les offices d’avoué près les tribunaux de grande instance, lesquels avoués avaient jusqu’alors le monopole de la représentation devant les tribunaux de grande instance.

Les avoués près les cours d’appel avaient quant à eux été maintenus.

Se posait le problème de la rémunération de la postulation pour les avocats qui devaient désormais assumer la postulation de première instance.

L’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 avait prévu que « la tarification de la postulation et des actes de procédure demeure régie par les dispositions sur la procédure civile« .

Cet article connaîtra une très légère modification, le « est » substituant le « demeure« , par l’article 74 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.

Cette disposition, avec la précision « demeure« , signifiait que rien n’était changé sur le principe de la rémunération de la postulation, laquelle restait donc tarifée.

Le décret n° 72-784 du 25 août 1972 relatif au régime transitoire de rémunération des avocats à raison des actes de postulation et à la taxe, au visa notamment de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971, prévoyait en son article 1er que « à titre provisoire et jusqu’à la fixation d’un tarif de la postulation et des actes de procédures, les avocats percevront les émoluments, droits et remboursements de débours au taux et dans les conditions prévues, pour les affaires portées devant la juridiction civile, par les dispositions du titre Ier et de l’article 81 du décret du 2 avril 1960, en tant que ces dispositions sont compatibles avec celles du nouveau code de procédure civile« .

Le décret n° 60-323 du 2 avril 1960 constituait précisément le tarif de postulation des avoués près les tribunaux de grande instance.

Ainsi, après la disparition des avoués près les tribunaux de grande instance, et à titre provisoire, la rémunération de la postulation devant les tribunaux de grande instance était régie par le tarif des avoués disparus, tandis que l’assistance relevait quant à elle des honoraires libres.

Notons au passage que ce tarif n’était pas élevé et n’avait pas été revu à la hausse, hormis par le décret n° 75-785 du 21 août 1975, ce qui constituait indéniablement un moyen de ne pas faire revivre la profession disparue, en évitant que les avoués devenus avocats puissent vivre de la seule postulation.

Il est rappelé que l’application du tarif des anciens avoués près les tribunaux de grande instance devait être provisoire, dans l’attente d’un tarif de postulation des avocats, lequel n’est jamais intervenu.

Il s’agit d’un bel exemple d’un provisoire qui dure depuis plus de quarante ans et qui semble avoir encore de belles années à vivre. et auquel la Loi Macron du 6 août 2015 met un terme.

Cependant, il faut admettre que ce tarif est pour le moins complexe, de sorte d’ailleurs qu’actuellement de nombreux avocats, qui ne savent ou ne veulent en faire application, n’établissent jamais d’états de frais par application de ce décret qui pourtant régit encore aujourd’hui la postulation de première instance.

Ces avocats se contentent alors de demander des honoraires dits de postulation pour leur intervention devant le tribunal. Toutefois, en demandant des honoraires dits de postulation, et bien souvent sans le savoir, les avocats manquent aux dispositions des articles 10 de la loi du 31 décembre 1971 et 1er de la loi du décret du 25 août 1972.

En effet, la rémunération de la postulation de première instance est tarifée, comme le précise l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971, et ne relève aucunement de l’honoraire libre.

Cela étant, il est évident que l’avocat ne peut assumer une postulation digne de ce nom, en se faisant rémunérer au titre d’un tarif de postulation de première instance vieux de près de quarante ans.

Le blocage du tarif de postulation de première instance, qui a eu pour effet si ce n’est comme objectif, d’éviter que se créé un corps d’avocats postulants de première instance, a conduit les avocats à demander des honoraires de postulation, c’est-à-dire à contourner la loi, et ce bien souvent sans le savoir.

Cette pratique, qui s’est transmise, est entrée dans les moeurs et n’est jamais remise en cause.

Aujourd’hui, aucun avocat n’accepterait une mission de postulation au seul prix du tarif de 1960, hormis pour les dossiers dans lesquels l’intérêt en jeu est extrêmement élevé, auquel cas le tarif de postulation est particulièrement intéressant.

Il est certain que les avocats continueront de demander des honoraires de postulation pour la première instance, ce qui ne pose de problèmes à quiconque.

Il est bon toutefois de savoir qu’il s’agit d’une pratique qui, même si elle n’est pas discutée et se justifie au regard du tarif de 1960, reste très discutable au regard des textes.

L’article 51 de la Loi Macron du 6 août 2015 met fin à la tarification de la postulation, en prévoyant que, désormais, la postulation relèvera des honoraires libres. Est modifié en ce sens l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques: « Les honoraires de postulation, de consultation, d’assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client« .

Il est mis à plus de 40 ans de provisoire, et la profession d’avocat n’aura donc jamais eu de tarif ! Mais en voulait-elle ? Rien n’est moins sûr dès lors que rien n’a jamais été fait pour l’adoption d’une tarification, et la pratique des honoraires de postulation s’étant imposée sans que personne n’y trouve à redire.

Quoi qu’il en soit, il devenait logique de supprimer une tarification en première instance alors que, comme cela sera vue, la postulation en appel relève elle-même des honoraires négociés.

 

La rémunération de la postulation en appel

Les avoués, ce que personne n’ignore, étaient rémunérés par un tarif, ce fameux tarif qui en a fait rêver certains et enrager d’autres. Il est vrai que pour un intérêt du litige de un million d’euros, ce qui est très courant, surtout en province (il s’agit bien entendu d’humour), l’avoué, qui n’avait ni conclu, ni plaidé, pouvait prétendre à un état de frais de près de 4 500 euros HT.

Cet état de frais faisait pester les avocats et autres compagnies d’assurances, surtout ceux qui succombaient et qui multipliait ce montant par le nombre de parties, ce qui, effectivement, pouvaient représenter des sommes très importantes.

Rappelons toutefois, même si le propos n’est pas de débattre du tarif des avoués qui avait ses avantages et ses inconvénients, que dans le dossier portant sur un litige quelconque en matière contractuelle, et dont l’intérêt du litige était de l’ordre de 6 000 euros, et dans lequel l’avoué pouvait être amené à conclure, l’état de frais présenté en fin de parcours était de moins de 300 euros HT. Aucun avoué ne s’est vu reprocher le caractère indécemment trop bas de la rémunération de sa prestation, laquelle ne pouvait même pas être dopée par des honoraires supplémentaires, pour cause d’interdit posé par le tarif.

Avec la suppression de l’avoué près les cours d’appel, se pose la question de la rémunération de la postulation d’appel. Ce problème se pose d’autant plus que les petites phrases entendues ou lues par-ci par-là laissent à penser que certains avocats n’ont pas tout à fait intégré que la rémunération de la postulation de première instance n’est pas celle d’appel.

La seule référence à la rémunération, dans la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d’appel, est l’article 27 aux termes duquel :

« Dans les instances en cours à la date d’entrée en vigueur du chapitre Ier de la présente loi, l’avoué antérieurement constitué qui devient avocat conserve, dans la suite de la procédure et jusqu’à l’arrêt sur le fond, les attributions qui lui étaient initialement dévolues. De même, l’avocat choisi par la partie assure seul l’assistance de celle-ci. Ces dispositions s’appliquent sous réserve de la démission, du décès ou de la radiation de l’un de ces auxiliaires de justice ou d’un accord entre eux ou encore d’une décision contraire de la partie intéressée.
 Dans tous les cas, chacun est rémunéré selon les dispositions applicables avant cette entrée en vigueur. »

Pour connaître quelles sont les modalités de la rémunération de la postulation d’appel, il faut se référer à l’actuel article 10 de la loi du 31 décembre 1971 qui dispose que

« la tarification de la postulation et des actes de procédure est régie par les dispositions sur la procédure civile ».

Il est souligné à cet égard, mais cela semble résulter d’une erreur, que sur le site de légifrance, l’article 10 susvisé, dans sa version en vigueur au 1er janvier 213, est celle-ci : « La tarification de la postulation devant le tribunal de grande instance et des actes de procédure est régie par les dispositions sur la procédure civile« . Il semble s’agir d’une erreur concernant l’ajout de « devant le tribunal de grande instance« , cette modification ne ressortant d’aucune disposition légale. Cela étant, cet ajout, même s’il résulte d’une erreur, est inutile, cette précision étant sous-entendue.

En 1971, il avait été expressément prévu une rémunération de la postulation de première instance, par application de l’ancien tarif des avoués près le tribunal de grande instance.

Or, en 2011, il n’a pas été prévu que l’avocat postulant en appel soit rémunéré à ce titre par application du tarif des avoués près les cours d’appel. Il n’a pas été prévu, en 2011, l’équivalent du décret du 25 août 1972 fixant la rémunération de la postulation devant le tribunal de grande instance.

Aucune disposition ne règlemente la tarification de la postulation d’appel pour les avocats, étant au besoin rappelé que le décret n°80-608 du 30 juillet 1980 fixant le tarif des avoués près les cours d’appel concerne la seule rémunération des avoués près les cours d’appel.

Le décret n° 2012-634 du 3 mai 2012 n’a pas modifié ce texte pour prévoir qu’il s’agirait de la rémunération de la postulation d’appel en général, de sorte que ce texte ne s’applique qu’à « l’avoué antérieurement constitué qui devient avocat » au sens de l’article 27 de la loi du 25 janvier 2011.

En conséquence, hormis pour les anciens avoués devenus avocats, et qui intervenaient en cette qualité d’avoué dans une instance, la postulation en appel ne fait l’objet d’aucune tarification depuis le 1er janvier 2012.

Au rebours de la procédure devant le tribunal, où l’avocat est rémunéré selon le tarif avec exclusion de tout honoraire de postulation, la procédure d’appel relève du seul honoraire, à l’exclusion de toute tarification.

La tarification de la postulation d’appel ne concernera que les avocats anciens avoués constitués dans des dossiers antérieurement au 1er janvier 2012.

 

En définitive, il apparaît que certains avocats, par erreur, et certainement en raison de ce qui avait été prévu lors de la suppression des avoués près les tribunaux de grande instance, et compte tenu de la pratique aujourd’hui très répandue et largement admise des honoraires de postulation de première instance, croient pouvoir demander outre des honoraires de postulation d’appel, un état de frais.

Il apparaît donc important de rappeler qu’il n’y a plus de tarification de la postulation devant les cours d’appel.

Les avocats postulants ne pourront, en appel, présenter un état de frais, que ce soit au regard de la tarification de la postulation devant le tribunal au grande instance ou du tarif des avoués près les cours d’appel. Au demeurant, il serait pour le moins discutable, voire amorale, de prévoir de prendre un état de frais au regard d’un tarif conspué pendant des années, et dont il est dit qu’il est à l’origine de l’extinction de la profession qui en vivait.

Il est donc fortement conseillé de prévoir, dès le début de la procédure d’appel, des honoraires de postulation qui rémunéreront réellement toutes les diligences d’appel.

Il est au besoin rappelé que dès lors que la rémunération en appel n’est plus tarifée, elle n’entre plus dans les dépens.