Conseiller de la mise en état et irrecevabilité des conclusions

21 septembre 2023
Jurisprudence

Quelle est la compétence du conseiller de la mise en état pour prononcer l’irrecevabilité des conclusions ?

La question n’est pas évidente.

Récemment, un auteur proposait, dans le cadre d’un toilettage attendu du décret “Magendie”, que “le texte doit permettre au conseiller de la mise en état de se prononcer sur toute question ayant trait à la recevabilité des conclusions, sans autres précisions. Devrait donc être supprimée de l’article (914) la référence “en application des articles 909 et 910”, de telle sorte que le conseiller de la mise en état aurait toute compétence “pour trancher (…) toute question ayant trait à la recevabilité de l’appel ou pour déclarer les conclusions irrecevables” (Semaine Juridique 15 juin 2015, Etude, p. 1182, Et si loin toilettait le décret Magendie).

Un arrêt du 25 juin 2015, qui sera publié, semble précisément s’inscrire dans cette proposition.

En effet, par arrêt du 25 juin 2015 (Civ. 2e, 25 juin 2015, n° 14-17874, Bull. civ.), la Cour de cassation a statué en ce sens :

“Mais attendu que l’article 930-1 du code de procédure civile se bornant à fixer les modalités selon lesquelles les diligences prescrites par les articles 908 à 910 du même code doivent être exécutées, le conseiller de la mise en état était compétent pour déclarer irrecevables les conclusions qui n’avaient pas respecté le formalisme prescrit ; que c’est sans excéder ses pouvoirs que la cour d’appel s’est prononcée sur la recevabilité des conclusions de M. X… et de la banque dont elle était saisie ;”

“l’article 930-1 du code de procédure civile se bornant à fixer les modalités selon lesquelles les diligences prescrites par les articles 908 à 910 du même code doivent être exécutées, le conseiller de la mise en état était compétent pour déclarer irrecevables les conclusions qui n’avaient pas respecté le formalisme prescrit”

Cette décision méritait une publication, en ce qu’elle élargit indiscutablement la compétence du magistrat de la mise en état dont on sait pourtant qu’il n’a pas compétence pour statuer sur une fin de non-recevoir (Cass. avis, 13 fée. 2012, Bull. civ. 2012, avis n° 1). Et qu’est une irrecevabilité ? Une fin de non-recevoir.

Et il est logique de lui donner cette compétence, à ce conseiller de la mise en état qui doit purger toutes les difficultés d’ordre procédural, pour que la Cour n’ait plus qu’à se prononcer sur le fond, dans une affaire expurgée de tout problème de procédure. A chacun son boulot, et celui de la formation de la cour d’appel n’est pas de se pencher sur des problèmes de procédure.

le conseiller de la mise en état doit purger toutes les difficultés d’ordre procédural, pour que la Cour n’ait plus qu’à se prononcer sur le fond

C’est ça aussi, l’esprit du décret du 9 décembre 2009.

 

Et évidemment, on pense alors à la compétence de ce même magistrat de la mise en état pour prononcer l’irrecevabilité des conclusions sur le fondement des articles 960 et 961 du Code procédure civile. Sont irrecevable les conclusions qui ne respectent pas le formalisme imposé par ces articles, de sorte que cet arrêt semble transposable.

Du reste, par son récent arrêt du – sauf erreur – 29 janvier 2015, la Cour de cassation statuant sur l’irrecevabilité des conclusions  au regard de l’article 961 du CPC, sur pourvoi d’un arrêt sur déféré, n’avait pas remis en cause cette compétence du conseiller de la mise en état. Si la Cour de cassation avait précisé, par cet arrêt non publié, que cette irrégularité pouvait être régularisée jusqu’à ce que le juge statue, la Cour n’avait pas cassé l’arrêt sur déféré au motif qu’il n’appartenait pas au conseiller de la mise en état de se saisir de cette question de procédure. Et ce “juge” n’est pas nécessairement le juge du fond, pouvant être aussi celui de la mise en état.

Ce faisant, cette compétence lui était reconnue. C’était la lecture que j’en avais faite alors, et qui semble confirmée par cet arrêt du 25 juin 2015 publié.

La réforme proposée du décret Magendie – dans l’article de la Semaine Juridique – quant à la compétence du conseiller de la mise en état pour statuer sur toute irrecevabilité de conclusions, passerait-elle par la jurisprudence de la Cour de cassation ?