Le bon moment pour soulever un moyen de procédure…

21 septembre 2023
Anecdotes et vie du cabinet

Timing

… ou comment ne pas saboter son dossier en soulevant inopportunément un bon moyen de procédure.

C’est l’histoire d’une affaire, comme il y en a plein d’autres, mais dans laquelle la partie appelante s’aperçoit qu’elle dispose d’un moyen de procédure que nous pourrions qualifier de sérieux.

Fort de ce moyen de procédure, tiré de l’autorité de la chose jugée – dont il sera rappelé qu’il s’agit d’une fin de non-recevoir, la sanction étant l’irrecevabilité de la demande -, l’appelant dégaine dans ses conclusions 908 et en fait bien évidemment son argument principal pour aboutir à la réformation d’un jugement l’ayant condamné à payer plusieurs dizaines de milliers d’euros.

Et cette fin de non-recevoir – dont il faut aussi rappeler qu’elle est bien de la compétence de formation collégiale de la cour d’appel et non du magistrat de la mise en état – repose sur l’existence d’un jugement rendu en 2013.

Pour certains d’entre vous, la lecture de ces quelques lignes a allumé quelques petites lumières dans leur esprit, et ceux-là ont nécessairement compris où je voulais aller…

… donc, j’y vais.

Cet appelant, auquel n’avait pourtant pas échappé cet argument procédural intéressant, a cependant oublié d’assurer ses arrières, et de renforcer son moyen de procédure.

En effet, même si cet article ne date pas de l’entrée en vigueur du Nouveau Code de procédure civile, une disposition y est entrée il y a de cela plusieurs années maintenant – à une époque où je ne savais pas encore que je serai avocat un jour… ce qui en soi ne veut pas dire grand chose car je ne l’ai su que vers 2008… mais ce n’est pas le sujet et encore une fois je m’égare… Et cet article, c’est celui qui porte le numéro 528-1.

Et oui, lorsque l’on oppose à une partie adverse l’autorité de la chose jugée, il faut anticiper sa réaction, et savoir quelle pourra être son attitude en réponse. Et en l’espèce, le jugement n’étant pas irrévocable, pour n’avoir pas été notifié, et le jugement ayant été rendu il y a moins de deux ans, il a suffi à la partie qui subissait cette fin de non-recevoir de faire appel de cette décision pour que tombe la pertinence éventuelle de ce moyen de procédure.

Apu, pa’ti…

C’est ballot… et c’est un peu du gâchis de ne pas avoir sorti ce moyen de procédure au bon moment. L’appelant pouvait d’autant plus délayer qu’il s’agissait d’une fin de non-recevoir dont les lecteurs que vous êtes savent immanquablement qu’elle peut être soulevée en tout état de cause.

Au même titre des erreurs auxquelles nous pouvons assister – en l’état actuel des textes et de la jurisprudence* – il est absurde de soulever une caducité de la déclaration d’appel si l’appelant peut refaire un acte d’appel.

La procédure peut parfois exiger un bon timing, sous peine de grandes déceptions et de frustrations… sans compter que le client risque aussi de ne pas être very happy…

 

 

* je prends quelques précautions car rien ne permet d’affirmer que la caducité de la déclaration d’appel ne deviendra pas un jour une caducité d’appel, ni même que la Cour de cassation ne se prononcera pas un jour en ce sens, faisant une espèce de parallélisme avec l’intimé dont on a vu quel était le sort avec l’arrêt non publié du 4 décembre 2015 2014