Dépaysement de l’article 47 du CPC : quelle conséquence de la suppression des avoués ?
Ah ces avoués ! Ils font encore parler d’eux, bientôt trois ans après leur disparition.
Ici, plus que la disparition de la profession, c’est surtout la question de l’extension des règles de postulation au regard du dépaysement de l’article 47 du Code de procédure dont il est question.
Tout le monde a bien compris que la territorialité a été touchée par la suppression dès lors que depuis le 1er janvier 2012, ce sont tous les avocats du ressort d’une cour d’appel qui peuvent postuler devant cette juridiction.
En revanche, – et jusqu’à ce que le projet de la Chancellerie ou celui de l’Economie aboutisse – la postulation reste la même au niveau du tribunal de grande instance : un avocat inscrit à un tribunal ne peut aller postuler chez le voisin.
Pour la Cour d’appel de Paris, saisie de la difficulté concernant un litige mettant en cause un avocat inscrit dans une société d’avocats inter-barreaux, « depuis la suppression du ministère d’avoué devant les cours d’appel par l’effet de la loi du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d’appel, l’article 5 de la loi du 31 décembre 1971 dispose que les avocats «exercent exclusivement devant le tribunal de grande instance dans le ressort duquel ils ont établi leur résidence professionnelle et devant la cour d’appel dont ce tribunal dépend les activités antérieurement dévolues au ministère obligatoire des avoués près les tribunaux de grande instance et les cours d’appel», de sorte que la notion de ressort dans lequel l’auxiliaire de justice exerce ses fonctions, au sens de l’article 47 susvisé, doit être étendue au ressort de la cour d’appel » (Paris, 23 oct. 2014, n° 14/03293).
« la notion de ressort dans lequel l’auxiliaire de justice exerce ses fonctions, au sens de l’article 47 susvisé, doit être étendue au ressort de la cour d’appel »
Pas si évident, et pas si sûr que la Cour de cassation aurait la même lecture de l’article 47 du Code de procédure civile.
« Lorsqu’un magistrat ou un auxiliaire de justice est partie à un litige qui relève de la compétence d’une juridiction dans le ressort de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, le demandeur peut saisir une juridiction située dans un ressort limitrophe » (CPC, art. 47)
Qu’a changé la suppression de l’avoué qui aurait des conséquences sur la finalité même de l’article 47 du Code de procédure civile ?
Personnellement, je ne vois pas que cette réforme impose une lecture différente d’une disposition qui a pour finalité d’éviter qu’un avocat voit ses affaires personnelles appréciées par un magistrat auprès duquel il exerce.
Le ressort visé par l’article 47 est celui de la juridiction saisie (Civ. 2e, 7 juin 2006, JCP 2006. IV. 1452 ; JCP 2006. I. 188, obs. R. Martin – Soc. 26 nov. 2013, FS-P+B, n° 12-11.740, Dalloz actualité 06 janvier 2014).
Il convient donc d’apprécier le principe du dépaysement par rapport aux règles régissant la première instance.
le principe du dépaysement s’apprécie par rapport aux règles régissant la première instance
Or, actuellement – et même s’il semblerait que cette règle sera revue soit par Madame TAUBIRA soit par Monsieur MACRON –, pour la première instance, un avocat ne peut postuler que devant la juridiction de son barreau*. L’extension de la postulation a été limitée aux seules juridictions d’appel et ne concerne pas les juridictions de première instance.
Par conséquent, les règles quant à l’application de l’article 47 du Code de procédure civile sont les mêmes qu’auparavant pour saisir la juridiction de première instance.
L’extension de la territorialité de la postulation du fait de la suppression des avoués a des conséquences uniquement lorsque le dépaysement concerne une juridiction d’appel, et que cette demande est formée au stade de l’appel (Versailles, 16e ch., 12 juin 2014, n° 13/04427).
Mais c’est ma lecture d’un article du Code de procédure civile dont l’application peut devenir particulièrement complexe. oh oui !
* sous réserve de la multipostulation prévue à l’article 1er de la Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques